Ma bagnole est défoncée (poème routier)
Quand tu virevoltes dans la bagnole
Et que tu manques nous verser au fossé
De guingois je vois tes guiboles
Et ton petit minois tout froncé.
Mon klaxon hurle que tu déconnes
A ainsi trop m’exaspérer
Pneus en farandoles
Phares aveuglés
Et puis toutes tes fariboles.
Tes mots trop crus, ces vicieuses pensées
Que tu débites au téléphone
Faussent la conduite,
Je braque, je vire, c’est déjà trop vite.
Tu l’as eu le guignol
Tous feux éteints
Dans cette bagnole
Aux deux défunts.
Chute de camions
Le premier camion chuté, découvert sur l’accès à l’autoroute du Nord, Porte de la Chapelle, fut un Renault aux couleurs de la société de dépannage spécialisée dans les interventions sur le périphérique parisien. Sa capacité de 3,5 tonnes ne lui servait plus à rien, retourné qu’il était en travers des voies, les quatre roues en l’air, le plateau au sol. Intact.
Vendredi interminable du coup pour les automobilistes, qu’il s’agisse de départ hors de, ou de retour à la capitale. Le temps de convoyer une grue, de remettre l’engin à l’endroit, l’information avait fait le tour des antennes, de la presse et du web. Précisant que la plaque d’immatriculation était fantaisiste, que le camion ainsi que ses numéros d’identification, du châssis au moteur, ne correspondaient à rien, ni chez le dépanneur, ni chez le constructeur.
Un apostolat australien
Affalés sur l’escalier de la rue Berthe du 18e arrondissement, les australiens finissaient leur nuit de bastringue après la victoire sur l’équipe de France, la veille. Sept essais, 59 à 16, ça n’avait plus été un test mais une leçon de rugby. Qu’ils avaient savourée jusqu’à ce dimanche matin glacé de la fin novembre.
– « D’y a’ see how them Froggies spell Perth? » questionna l’ainé des triplés « .. with a B up front an’ a final E ! Christ !”
Délibérations spirites
Ce dossier a été découvert dans un carton posé à terre, 20 rue La Vieuville dans le 18e parisien. Il contient le compte-rendu d’une réunion tenue par le Conseil spirite dudit arrondissement. Conseil jusqu’alors inconnu, mais qu’il convient désormais de considérer au vu de cette invention.
Le formalisme du document atteste de son authenticité, nonobstant les pages manquantes, ratures et caractères ou formulations illisibles ou inintelligibles.
Le génie publicitaire
Le coup de génie de Deshorions & Desgnons. C’allait être leur coup de génie à Gus et Eudes, les jeunes fondateurs de l’agence de publicité. Ils auraient désormais pignon sur le boulevard de Clichy, dans le 18e arrondissement de Paris. A tout point de vue.
D’abord, et surtout, cette idée comme tombée du ciel après qu’un pigeon du Sacré-Cœur se soit oublié sur l’épaule droite de Gus. Nulle malveillance de la part du colombin, ni l’ombre du doute quant à ses origines, mais ça faisait quand même tâche sur le Prince de Galles.
Canada un
Thierry Berthelot, garçon émotif, en fut troublé. Il occupait depuis plusieurs années le même appartement, l’appartement du même immeuble, un immeuble rue du Canada. Dans le 18e arrondissement parisien. La vue sur Montmartre l’angoissait.
Non pas la vue elle-même, remarquable et imprenable, avec la Butte, la Basilique, le Moulin et tout. Comme prise du ciel. Mais le fait d’en bénéficier, soudainement et pour la première fois ; surtout depuis la rue du Canada. Sa fenêtre ne donnait pas sur le Sacré-Cœur. Aucune de ses fenêtres. Toutes orientées à l’est, alors que Montmartre est à l’ouest.
Canada two
Rue du Canada, dans le 18e arrondissement de Paris, Patrick Boinet, un garçon peu émotif, extrêmement peu émotif et même sans émotions selon ses rares amis vient de s’évanouir sous le coup, précisément, de la plus importante sinon unique émotion de son existence. En travers du hall d’entrée de l’immeuble. Les bras en croix.
Adrénaline Lépuisaye et Anastasie Formol, ses voisines d’en bas, l’y découvrirent un peu ou beaucoup plus tard, de retour de courses. Elles lui assuraient chaque jeudi ménage et repassage, et un plat chaud, son unique hebdomadaire.
Canada drei
Dans la ville de Québec, au Canada, la rue de Montmartre croise l’avenue du Sacré-Cœur. C’est un quartier résidentiel, au sud de la rivière qui coule du lac Saint-Charles, au nord ouest, jusqu’au Saint-Laurent. Peu de commerces, plutôt calme, un peu de passage le week-end vers le parc Victoria, son terrain de baseball et ceux de tennis. Très peu en journée.
Trouble de la communication
Les avis sur la bande de matous installés dans l’escalier menant à la rue Chappe du 18e arrondissement sont partagés. Opposés de fait. Pour ceux que dérangent leurs miaulements et bagarres, ou simplement leur présence, il convient d’agir. Certains sont passés à l’acte, pour peu qu’ils soient propriétaires d’un ou plusieurs chiens, adeptes de l’ancien art de la canne ou en capacité de jeter un seau d’eau. Mais le résultat n’est jamais définitif. Les chats réoccupent finalement les lieux. Leur débandade toujours temporaire.
Inclusion limitée
Le 31 février est peu probable, autant que le 30 et conditionné aux années bissextiles. Ces deux dates extrêmes marquèrent néanmoins le 18e arrondissement de Paris, et au-delà. D’abord parce qu’il fut convenu que ces journées, un lundi et son mardi, seraient fériées. D’aucuns les accouplèrent à des repos ou congés en vacances de disponibilités. Soit possiblement huit jours d’affilés d’un samedi à l’autre, entre soi. Une longue et exceptionnelle semaine.
frankaubry 